Saturday, May 5, 2007

Les boules, partir pour MSF!


Je pars avec Médecins Sans Frontières. Fin juin si tout va bien, après un PPD à Amsterdam.

J'ai franchement les boules en bon Français, ou traduit en bon Québécois, je stresse à mort. Pourtant... c’était la raison principale pour laquelle je suis entrée en médecine, et ensuite pour laquelle j’ai choisi de sortir de spécialité et de devenir généraliste et urgentologue. Pourtant... j’étais allée investiguer à la réunion d’information en 2005 avec les amies D et S du Nord qui sont subséquemment parties en Côte d’Ivoire et en République Démocratique du Congo. Pourtant... il n'y a pas plus être égosyntone que ça. Mais... maintenant que ça se rapproche, l’anxiété s’installe, les maux d’estomac aussi. J’ai des doutes tout à coup... ‘Et s’il m’arrive quelque chose?’ ‘Je vais aussi bien que je n’aie jamais été, pourquoi me jeter dans ce truc?’ ‘J’aurais plein de choses à faire ici au lieu de partir encore!’

Après mes courtes vacances d’une semaine qui arrivent, on va commencer à parler missions en Afrique. Au recrutement, on me parle de Côte d’Ivoire et de Tchad pour l’instant - camps de réfugiés du Darfour au Tchad. Là où DC est passée respectivement en première et deuxième missions; et maintenant elle qui part en Somalie pour la deuxième partie de sa deuxième mission, l’incroyable. Je dois parler à des amis anciens de MSF pour partager leurs expériences et surtout me rassurer. Malgré ma documentation assez complète, la lecture et relecture de Hope in Hell (critique ici), mon home site de Mozilla sur BBC-Africa et mes souvenirs du Cameroun il y a presque 10 ans, je me sens plutôt dépassée. Six mois à un endroit est de loin le plus long que j’ai jamais été depuis les cinq dernières années.

Voir les blogs du terrain, dont l’excellent blog de James Maskalyk, un collègue de Toronto qui démontre une belle facilité de la plume.

Et en lisant les blogs, mon estomac se serre. La chaleur, l’isolement, le temps long, les tragédies quotidiennes, le manque de sommeil et la fatigue chronique, et le sentiment d’impuissance devant les morts et les destins injustes. Et ce fossé que tout le monde décrit au retour, le sentiment d’aliénation profonde de son propre monde occidental et moderne. Que les gens qu’on aime le plus ne pourront jamais comprendre ce que l’on vit. C’est étrangement ce qui m’effraie le plus, car à l’instant même, je suis très en paix avec ma vie à Montréal, je vis d’un bon souffle, je me sens bien installée et bien entourée, je m’habite bien pour une fois. Le paradigm shift de MSF va changer ma vie, or pour l’instant ma vie est bien. Mais je sais que si je ne le fais pas maintenant, je le regretterais, et il n’y a pas meilleur moment que maintenant pour mille et une raisons, la plus importante étant que je ne le fais pas par fuite.

Mais mon Dieu que j’ai les boules. Les pires scénarios jouent dans ma tête, tous plus dramatiques les uns que les autres: que je perde la tête et devienne psychotique (au Lariam?!??!), que je tombe en dépression, que je lâche après deux mois, que l’équipe soit horrible et ne supporte pas une femme médecin, que je perde un bras en marchant sur une mine, que je me séroconvertisse en me piquant, que je me fasse kidnapper par des rebelles... Mais bon, comme une amie me disait l'autre jour, si on obéissait à nos peurs irrationnelles, on ne sortirait jamais de chez soi de peur de se faire frapper par une voiture ou un météore!


Blogs sur le site MSF:
James Maskalyk's Suddenly Sudan
Les autres blogs du terrain

Blogs pas sur le site MSF
Amy Osborne, sage-femme au Darfour
Heidi Chestnut, médecin en RDC